Ma jeunesse Ă moi
Aux amis d'enfance qui ont partagé une partie de ces moments, accompagnés d'autres tranches de vie et sont encore là aujourd'hui.Je me suis rendu compte, en voyage, que la jeunesse laisse presque toujours de bons souvenirs. Le terme "toujours" est nuancé puisque l'on voit au quotidien des enfants qui souffrent atrocement et injustement. Pour autant, de nombreuses enfances qui pourraient nous paraître dures ont laissé de bons souvenirs à leur hôte. On rencontre régulièrement, en Afrique ou en Amérique du sud, des adultes qui décrivent leur jeunesse comme heureuse malgré la pauvreté de la famille, des conditions matérielles, des difficultés politiques ...
Comme la majorité des lecteurs, je garde d'excellents souvenirs de ma jeunesse qu'il est agréable de se remémorer en les inscrivant sur le disque dur. La jeunesse n'est pas un bloc homogène, c'est une période d'évolutions rapides, on cherche sa meilleure façon de profiter de la vie en franchissant différentes étapes. De fait, écrire tout cela dans un même récit s'avère complexe, au lecteur de lire le contexte entre les lignes.
L'année scolaire ressemblait à ce que tous les écoliers Français de cette époque ont dû connaître. Au début le jeudi était encore le jour de repos et dès le mercredi il était attendu avec impatience. Ma soirée du mercredi était une des meilleures de la semaine. Je la passais, ainsi que la nuit, chez mes grands-parents. Un petit voyage de quelques centaines de mètres me menait à destination. Comme tous les grands-parents, leur amour était sans limite, c'était une fête sans cesse renouvelée. Mes plats préférés étaient toujours au rendez-vous avant de regarder le western ou le film du mercredi soir. C'était le seul soir de la semaine, avec le samedi, où l'on avait le droit de regarder le film du soir. Les autres jours, à partir de 20h30 on entendait l'éternel : “Il y a école demain”, vous déduisez la suite.
Le jeudi voyait les grands-parents sortir la voiture pour partir quelque part dans la nature : à la pêche, ramasser des asprges, des champignons ou des jonquilles, cueillir des fruits ... Même si ce programme faisait moins rêver au fur et à mesure que l’adolescence pointait du nez, il m'a laissé des souvenirs de bonheur éternels.
La pêche fût une des grandes passion de ma jeunesse. Elle a été à l'origine de mon ouverture sur le monde. Transmise par mon grand-père au cours de ces jeudi de printemps ou d'automne, renforcée par la rencontre de copains également sensible à cet art ... de vivre, elle a été le ciment de ma vie de jeune.
Avec les pĂŞcheurs Imraguens, longtemps plus tard. Banc d'Arguin, Mauritanie.
Le théâtre organisait chaque mois des soirées “Connaissances du monde”. Un conférencier venait présenter ses voyages à travers de ses diaporamas ou parfois films qu'il commentait en direct. L'ancêtre de Discovery Channel. Fb, Insta ou Hive n'existaient pas, ni ceux qui les ont mis au monde. Ces voyages par procuration étaient une source de rêve inépuisable. Mais rien n'était plus important pour moi, dans ces soirées, que les parties consacrées à la pêche. J'y ai découvert des activités halieutiques que j'irais voir, inconsciemment, plus tard de mes propres yeux : Les pêcheurs Imraguen en Mauritanie, ceux des falaises du Sahara Occidental, les almadrabas, les pêcheurs sur perche du Sri Lanka et tant d'autres.
Un soir d'été, devant une vieille carte des Pyrénées, nous avons mis sur pied notre première expédition en montagne. Le but était d'aller camper au bord du lac le plus inaccessible pensant, à juste titre, qu'il y aurait des truites en pagaille ! Plus tard, j'ai vu plus grand et visé des pays comme le Canada, la Norvège ou l'Argentine. Petit à petit, la curiosité de la différence, la recherche des endroits préservés l'a emporté sur la traque du poisson. De la passion de la pêche à l'amour du voyage, la vie est une constante évolution. La pêche est restée une façon d'améliorer l'ordinaire dans certaines expéditions. Peut-être qu'aujourd'hui, sur la pente du retour vers la jeunesse, me reviendra cette passion ?
Les 1er aventures en montagne, Andorre
Un petit bémol revanchard à toutes ces bonnes choses. L’enseignement des langues que l'on subissait à l'école aurait dû être le vecteur de notre ouverture au monde, façonner notre curiosité et notre acceptation des différences. Je suis désolé de le dire messieurs les professeurs, inspecteurs et autres membres de cette chaîne dite éducative, mais non seulement vous ne vous êtes pas acquitté de cette tâche mais vous avez été assez mauvais pour réussir l'inverse. Combien de vos anciens élèves disent encore des trucs comme : “Ils ne parlent même pas Français, parfois même lorsqu'ils sont en vacances á l'étranger !”. Pourvu que vos remplaçant soient meilleurs aujourd'hui.
L'été
J'avais la chance d'avoir plusieurs points de chute dans le département. La maison principale à Carcassonne, des grands parents dans la Haute vallée de l'Aude, les autres dans la montagne noire et les parents qui travaillaient l'été au bord de la mer. Tous ces endroits étaient accessibles en vélo sans aucune difficulté ce qui me conférait une liberté exceptionnelle. Je changeais d'endroit comme on change d'idée, sans contrainte. D'abord en suivant les saisons de pêche comme les orques suivent les bancs de thon rouge, plus tard, plutôt en fonction des tribulations de l'autre sexe de notre espèce. Une expérience qui a peut-être participé à mon attirance pour le nomadisme.
Des débuts difficiles dans la tramontane
C’était le début du windsurf, nous étions trois à pratiquer sur l’étang de Leucate, nous nous retrouvâmes des centaines en peu de temps. Si Leucate devenait un mythe pour les Allemands, pour les locaux que nous étions c’était notre quotidien, le quotidien fait moins rêver. Les noms exotiques attisaient notre imagination comme le souffle ravive les braises. Tout allait vite, les explorateurs faisaient remonter des spots lointains aux conditions parfaites. Ils nous faisaient rêver d'autant plus aisément que vu de loin tout est toujours plus beau. On parlait de Tarifa. La pointe sud de l’Espagne, qui à cette époque de notre vie paraissait si lointaine. Tarifa était fameuse pour son vent qui se renforce en s’engouffrant entre les colonnes d’Hercules, le détroit de Gibraltar. A 14 km de l’Afrique, tout un programme ...
La R4 premier compagnon de nombreuses aventures
Les années 80 étaient favorables aux rêveurs et donc aux voyageurs en herbe. Un bonheur pour les étudiants armés d'une dose de débrouillardise que nous étions maintenant devenus. Le stop c’était cool et on en abusait mais on voulait plus de liberté. Alors entre un travail l'été et quelques jours de vendanges chez les parents des copains, on achetait, selon les goûts, une vieille Renault 4 ou 2 Chevaux. Quelques outils, des copains et quelques nuits plus tard, noir de graisse et sentant l’huile de vidange notre liberté prenait forme. Pour nous, elle pris la forme d’une 4L qui est toujours restée aux couleurs de l’EDF chez qui elle avait vécu sa première vie. Envahi de bonheur, le monde s’offrait à nous. Le contrôle technique n’existait pas et la police faisait preuve d'empathie pour les jeunes découvreurs motivés. Une police éducative qui nous rendait meilleurs. Un peu de morale sur l’état des essuies glaces ou quand les pneus étaient vraiment trop usés, un délai pour se présenter au commissariat. Pas d’amende systématique. Quelle police humaniste nous avions !
Septembre
En ce temps-là , le ministère de l'éducation nationale était généreux. Il laissait les grandes vacances paresser jusqu'au lointain septembre. L'ambiance pourtant avait changée, après les orages du 15 août. Les grosses chaleurs étaient passées. Les jours eux même raccourcissaient avec le zèle d'un douanier. Le pays avait retrouvé la quiétude qui était la sienne après la déferlante Parisienne du mois d'août et ces indissociables conséquences, bouchons, queues en tout genre, augmentation des prix et baisse des services ... Tous ces étrangers, réunis en une masse informe de Parisiens, n'habitaient pas forcément la capitale mais ils n'étaient pas d'ici. Leur accent, leur peau trop claire puis rouge et d'autres indices plus subtils les signalait aussi sûrement que les rhumatismes annoncent un changement de temps.
Mais ces quelques jours, parfois pluvieux, brumeux et venteux, grappillés sur l’hôtel éducatif étaient précieux. La nature avait reverdie, les mûres, longtemps rouges et dures, noircissaient et se gorgeaient d'eau se préparant sans le savoir, á servir de base aux confitures des grands mères. Les figues suivaient avec enthousiasme le même chemin. Les champignons sortaient de terre avec un zèle sans cesse renouvelé. La fermeture de la pêche à la truite approchait mais les pluies revenues, le niveau de l'eau remontant les prises se multipliaient après la pose de l'été.
La rentrée nous surprenait en flagrant délit de bonheur mais n'y mettait pas fin bien longtemps. La première récréation scellait les retrouvailles et déjà les projets de l'année fusaient comme des promesses de futur plaisir. L'attention en classe s'en ressentait sûrement un peu mais le moral et l'imagination étaient en fête.
N'aurais-je parlé que de félicité et insuffisamment de travail ? C'est probable mais nous sommes fiers, les adolescents des années 80 d'avoir participé à l'avènement de la civilisation des loisirs. Pas sûr que nous ayons réussi aussi bien dans d'autres domaines de transformation de la société.
🇫🇷 Toutes les photos sont de moi. A l'exception de la 1er prise cet été, les autres sont d'époque, certes de mauvaise qualité mais j'ai choisi de les garder.
Merci pour votre lecture ✨
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