Dans le cadre de ma deuxième année de Master Mathématiques, Finance computationnelle et Actuariat, j’ai suivi un cours intitulé « Blockchains publiques et privées » enseigné par @sorin.cristescu. À l’issue de ses interventions, il m’a posé la question suivante : « Nous avons vu que le terme « blockchain » pouvait être utilisé librement au point qu’il devenait presque une « étiquette ». Cependant, on peut identifier une sorte de « plus petit dénominateur commun » de tous ces usages. Qu’est-ce que le terme « blockchain » désigne ou devrait désigner toujours ? » L’objectif est de questionner ChatGPT sur ce sujet puis de commenter, critiquer et apporter des éléments de réponse que ChatGPT n’auraient pas mentionnés.
Voici la réponse apportée par ChatGPT :
Le terme "blockchain" est souvent utilisé de manière assez générale et parfois un peu floue, mais son "plus petit dénominateur commun" réside dans sa structure fondamentale et son fonctionnement.
Essentiellement, une blockchain est une forme de registre distribué et immuable, constitué de blocs de données liés les uns aux autres de manière sécurisée à l'aide de techniques de cryptographie. Chaque bloc contient un ensemble de transactions vérifiées et validées, et ces blocs sont ajoutés de manière chronologique à la chaîne, formant ainsi une histoire inaltérable et transparente de toutes les transactions effectuées.
Ce qui distingue une blockchain, c'est son caractère décentralisé. Contrairement à un registre centralisé, où une seule entité a le contrôle et l'autorité sur les données, une blockchain est gérée par un réseau décentralisé de nœuds, chacun ayant une copie du registre complet. Cela garantit une plus grande sécurité, résilience et transparence, car il n'y a pas de point unique de défaillance ou de manipulation possible.
Ainsi, quel que soit le contexte d'utilisation du terme "blockchain", son essence devrait toujours être celle d'un registre distribué, immuable et décentralisé, offrant des avantages tels que la confiance, la transparence et la sécurité dans divers domaines allant des transactions financières aux contrats intelligents en passant par la traçabilité des produits.
I. Commentaire
Tout d’abord, pour savoir ce que le terme « blockchain » désigne ou devrait désigner toujours, revenons à sa définition. Dans son rapport publié en décembre 2018, la mission d’information commune de l’Assemblée nationale sur les usages des chaînes de blocs et autres technologies de certification de registre donne la définition suivante :
Une blockchain est un registre, une grande base de données qui a la particularité d’être partagée simultanément avec tous ses utilisateurs, tous également détenteurs de ce registre, et qui ont également tous la capacité d’y inscrire des données, selon des règles spécifiques fixées par un protocole informatique très bien sécurisé par la cryptographie.
Si nous devons définir avec des mots simples le terme « blockchain » à des personnes qui connaissent rien de ce domaine, nous le comparerons à un livre comptable où les pages de ce livre (registre) sont enregistrées, chronologiquement, sur chaque ordinateur du réseau. Lorsqu’une page de ce livre est rédigée, les informations qu’elle contient sont vérifiées par un algorithme cryptographique à l’aide d’une ou plusieurs clefs en fonction de l’accord passé (consensus) entre les participants. Les phrases rédigées (les données) sont alors gravées. Elles ne peuvent donc être ni modifiées ni effacées. La page (le bloc) validée est reliée (chaînée) à la précédente et « prend son emprunte numérique ». L’écriture indélébile du livre se poursuit ainsi.
Ensuite, après avoir défini correctement le terme « blockchain », il s’agit maintenant de définir et expliquer ses caractéristiques principales. Ces grands principes se comptent au nombre de quatre et sont définis ci-dessous :
- Infalsifiabilité et sécurité : la sécurité est l’un des principes de ce qu’on appelle le trilemme de la blockchain et signifie que chaque nouvelle information doit être approuvée par les utilisateurs de la blockchain. Cette dernière est donc distribuée, c’est-à-dire qu’elle est partagée entre les différents participants et ainsi cela permet d’éviter les risques de fraude, de manipulation ou de détournement.
- Décentralisation : par sa nature distribuée, le registre ne comporte aucune autorité (BCE par exemple) ou tiers de confiance contrôlant la blockchain.
- Immuabilité : Impossibilité de modifier ou supprimer des données qui ont été inscrites et certifiées par les utilisateurs de la blockchain.
- Transparence : La transmission des données à l’intégrité constituant la blockchain rend la lecture des données transparente. Cela permet de retracer l’historique de l’ensemble des modifications apportées au registre depuis sa création, à chaque instant.
Ainsi, nous pouvons remarquer que la réponse de ChatGPT a été claire et concise. Il ne s’est malheureusement contenté seulement de définir le terme « blockchain » et ses caractéristiques principales. Il n’est pas allé en profondeur comme le fait de retracer l’origine de cette innovation. En effet, les blockchains ne sont pas simplement des chaînes de blocs qui se lient sinon, selon moi, cela ne susciteraient pas l’intérêt de certains utilisateurs, des entreprises, des institutions financières et des États… Nous allons ainsi, dans la seconde partie, s’intéresser sur l’intérêt de cette innovation d’un point de vue économique et également critiquer certains principes des blockchains qui pourraient être remis en question.
II. Critiques
1. Motivation
Dans cette seconde partie, il s’agit de mettre en avant le mécanisme innovant apporté par les blockchains et d’apporter une critique sur certains avantages qu’elles comportent. En effet, comme je l’ai mentionné précédemment, les blockchains ne sont pas simplement des chaînes de blocs qui se lient les uns aux autres. Leur succès provient également du mécanisme économique innovant et pertinent.
Prenons l’exemple de l’émergence du Bitcoin. En 2008, Satoshi Nakamoto a publié le livre blanc du Bitcoin, une nouvelle forme de monnaie numérique basée sur la technologie de la blockchain. L’année 2008 est une année assez marquante d’un point de vue économique. En effet, l’économie mondiale a été bouleversé par la crise des subprimes, cette crise qui a ébranlé la confiance dans les institutions financières traditionnelles et a mis en évidence les lacunes des systèmes monétaires et financiers existants. Les banques centrales, les gouvernements et les institutions financières étaient critiqués pour leur manque de transparence, leur opacité et leur manipulation potentielle de la monnaie et de la politique monétaire.
Ainsi, le Bitcoin offrait une alternative décentralisée au système financier traditionnel, permettant aux utilisateurs d'effectuer des transactions directes sans passer par des intermédiaires et vérifier par un réseau peer to peer plutôt qu’une autorité centrale. Elle offrait également une plus grande transparence et résilience, ce qui a suscité l’intérêt de beaucoup d’ « utilisateurs ». De plus, le Bitcoin a été conçu avec un approvisionnement limité, ce qui signifie qu'il est immunisé contre les politiques de création monétaire inflationnistes qui ont été critiquées pour avoir contribué à la crise financière.
Voici ci-dessous un graphique montrant les performances du Bitcoin, l’Ethereum et le S&P500 où nous observons que le Bitcoin est l’actif le plus performant de manière générale sur la période observée :
La technologie blockchain permet également de palier le problème des coûts supplémentaires par son caractère décentralisé, là où les tiers de confiance se gavaient dans le système traditionnel. C’est cet ensemble de facteurs qui a donné un tel succès aux blockchains et il est évident que ces facteurs s’inscrivent dans l’étiquette « blockchains » mais également dans son « plus petit dénominateur commun ».
2. Limites
Cependant, bien que la technologie blockchains soit une innovation comportant de multiples avantages, elle comporte ses limites.
Néanmoins, les cryptomonnaies les plus connus comme Bitcoin et Ethereum, basées sur la technologie blockchain, sont contrôlées dans une certaine mesure par un groupe d’entités que ce soit les mineurs ou ceux qui ont le contrôle sur le « code repository ». Bien que le groupe de mineurs est nombreux, il s’est considérablement réduit avec la transition de la preuve de travail à la preuve d’enjeu qu’Ethereum, pour ne citer qu'eux a effectué. Par conséquent, nous pourrions mener une réflexion plus approfondie sur cet aspect.
Ensuite, nous pouvons aussi remettre en question le caractère immuable que comporte les technologies blockchains. Un exemple marquant est le programme utilisateur « The DAO ». Un DAO est une entité qui fonctionne grâce à des smart contracts respectant plusieurs règles programmés. Par ce concept innovant, les blockchains comme Ethereum ont vu naître plus de 10 000 DAO dont les cas d’usage ne cessent de se diversifier.
En voici quelques exemples ci-dessous :
Historiquement, ce programme a été mis en place en 2016 sur la blockchain Ethereum et une des fonctionnalités de ce programme contenait une faille dans le code qui a permis à un hackeur de siphonner des fonds de l’ordre de 8 millions de dollars. Cette attaque a ouvert un débat philosophique entre :
- conserver l’immuabilité de la blockchain et donc de ce fait, conserver cette faille dans le code;
- intervenir pour résoudre la faille dans le code et de ce fait, ne plus respecter l’immuabilité de la blockchain.
Certains partisans ont pris la seconde solution, assez extrême, et ont corrigé la faille dans le code. Par conséquent, cet épisode montre que les grands principes des blockchains ont leurs limites. La technologie blockchains n’est peut-être pas la solution magique pour résoudre les problèmes des systèmes économiques traditionnelles même si celle-ci a encore un grand et bel avenir.
III. Conclusion
ChatGPT a su définir correctement la fonction première de la technologie « blockchains » , ses principales principes telles que la sécurité, la décentralisation, l’immuabilité et la transparence. Cependant, cela reste incomplet. Les connaissances concernant le mécanisme économique innovant derrière cette fonction première sont, selon moi, les raisons et l’origine de cette invention. Ce mécanisme économique explique également ces principes et leur importance. Ainsi, nous pouvons dire que ChatGPT est d’une grande aide concernant l’accès à des informations de base sur un sujet mais il n’entre pas assez en profondeur sur le sujet. Si nous souhaitons comprendre le « pourquoi du comment », ChatGPT ne sera pas efficace à moins de le guider précisément mais cela demande de connaître quelques aspects du sujet que nous étudions.