J'ai assisté hier à une conférence de Nicolas Dufrêne, le directeur général du laboratoire d'idées Institut Rousseau, intitulée « Monnaie et transition écologique ».
[EDIT] L'enregistrement de cette conférence est maintenant disponible sur la web TV de l'Université de Lille. [/EDIT]
Nicolas Dufrêne y a parlé en particulier du contenu de son livre Une monnaie écologique où il aborde les mécanismes de création monétaire et comment les réorienter vers le financement de la transition écologique.
Il est aussi un des auteurs avec Jean-Paul Delahaye (dont je présentais le livre sur les blockchains dans ce billet) du rapport au parlement européen Les crypto-actifs : du mirage à la réalité. Je vous en conseille la lecture alors que le Conseil Européen vient d'adopter le règlement MiCA (Markets in Crypto Assets).
Dans sa conférence, Nicolas Dufrêne a commencé par rappeler les 3 fonctions de la monnaie comme énoncés par Aristote : moyen d'échange, unité de compte et réserve de la valeur. Il a aussi insisté sur le lien de confiance que crée la monnaie : confiance hiérarchique dans les institutions (garanties de continuité apportés par les gouvernements), confiance économique dans la stabilité des cours, et confiance éthique (adhésion au projet politique incarné par la monnaie).
Il a ensuite détaillé les mécanismes de création monétaire des monnaies fiduciaires (gérées par un État ou un ensemble d'États sur un territoire donné) : les banques commerciales crée de la monnaie par un jeu d'écriture (lié à la comptabilité à double entrée) lorsqu'elles accordent un prêt. La régulation de cette création monétaire se fait par les banques centrales qui prêtent aux banques commerciales, et par le fait que les banques commerciales ne peuvent échanger entre elles qu'en passant par les banques centrales (si j'ai bien compris !). L'histoire du système monétaire a conduit à ce que les banques centrales ne puissent prêter qu'aux banques commerciales, pas aux citoyens, ni aux États (à l'exception des banques d'investissement publiques).
Il a argumenté (chiffres à l'appui) que les banques commerciales investissent encore principalement dans les énergies fossiles car ce sont des actifs rentables, alors qu'on devrait réorienter massivement les financements vers la transition écologique. Le bien commun qu'est la monnaie est, selon lui, l'otage des banques commerciales. Il propose donc de permettre aux banques centrales de prêter directement aux états (une forme d'annulation ou de réorientation de la dette) pour mener les investissements massifs que nécessite la transition écologique. Comme les banques centrales sont indépendantes des États, il y a nécessité d'un contrôle démocratique sur l'utilisation de cet argent et il a proposé quelques alternatives techniques sur comment réaliser tout ça.
La discussion qui a suivi était très stimulante et je vous encourage à lire son livre, et le suivant (sur la dette si mes souvenirs sont bons) qui devrait sortir à l'automne. Il a aussi publié une tribune dans le Monde où il plaide pour « renoncer définitivement à des objectifs chiffrés de dette et de déficit rapportés au PIB ». En tout cas, j'ai beaucoup appris et il a pu confirmer que nos hommes et femmes politiques ne comprennent pas plus la finance que la technologie 😢 car ces sujets sont très peu présents dans les programmes des partis politiques.
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